L’image donnée par nos justifications
Dans le billet précédent n°36 nous avons vu que la plupart du temps, les justifications dégradent nos relationnels. La raison en est qu’elles sont presque toujours une expression de stress. Ce billet adopte un tout autre angle de vue, à savoir que nos justifications sont interprétées par nos interlocuteurs, à nos dépends.
Je venais de me justifier quand en retour Catherine me rétorque « Pourquoi as-tu besoin de te justifier pour te mettre en avant ? ». Je reste pantois car ce n’était nullement mon intention. Je me dis « nos interocuteurs nous attribueraient-ils une image ou nous prêteraient-ils une intention à l’écoute de nos justifications. Y a-t-il moyen de modéliser cette spécificité ? ». Voyons, cela.
Pourquoi les justifications sont-elles interprétées ?
Tous les jours, nous sommes amenés à nous justifier. C’est le lot de chacun mais combien de fois une justification nous a-t-elle été demandée ? L’expérience montre que c’est rarement le cas. Quand la justification n’est pas demandée et que nous nous justifions quand même, il est naturel que notre interlocuteur soit interpellé et cherche une explication à ce qui peut bien motiver cette justification.
Voilà pourquoi face à la quasi-totalité de nos justifications nos interlocuteurs nous prêtent, tout comme Catherine, des intentions.
Que pourraient penser nos interlocuteurs ?
Face à la justification de notre Personnalité-PCM Persévérant, notre interlocuteur pourrait penser « ça va, j’ai compris il prétend avoir une vision supérieure à la mienne ».
Face à la justification de notre Personnalité-PCM Analyseur (Travaillomane), notre interlocuteur pourrait penser « bon, ça va, ce surplus de détails n’était pas nécessaire ».
Face à la justification de notre Personnalité-PCM Empathique, notre interlocuteur pourrait penser « Elle dit elle-même qu’elle n’est pas compétente, peut-être n’est-elle pas la bonne personne sur ce sujet ? ».
Face à la justification de notre Personnalité-PCM Imagineur (Rêveur), notre interlocuteur pourrait penser « cette personne n’a même pas pris un minimum d’initiative ».
Face à la non-justification de notre Personnalité-PCM Promoteur, notre interlocuteur pourrait penser « cette personne avance en mode masqué ».
Face à la justification de notre Personnalité-PCM Énergiseur ( Rebelle), notre interlocuteur pourrait penser « si je lui confie des responsabilités, va-t-elle assumer ou trouver des excuses ? ».
A travers ces observations, nous voyons que nous avons intérêt à ne nous justifier que quand cela nous est demandé. En effet les justifications non demandées poussent nos interlocuteurs à faire des hypothèses sur nos intentions. Cela nous rend inutilement vulnérables.
Continuer à se justifier ?
Faut-il s’interdire de se justifier ? Non il faut continuer à se justifier. Cela fait partie d’une certaine humanité d’accepter de se rendre un peu vulnérable en se justifiant. Mais pour cela, il nous faut trouver un stratagème qui facilite un dosage qui nous protège. Ce grand monsieur qu’est Borys Cyrulnick nous donne son stratagème. Il déclare que « sa meilleure décision a été de ne plus raconter toute sa vie à tout le monde. Tout le monde n’a pas besoin de connaître mes luttes …/… je ne dois d’explication à personne ». Sa déclaration équivaut à un interdit. L’expérience d’une telle personne nous enrichit. Il conclut sa déclaration par « mon silence est mon arme et ma discrétion ma forteresse ». Ainsi il se protège.
A propos de protection, il y a des gens auprès de qui on se sent être quelqu’un de bien., on se sent même intelligent. Ce n’est pas seulement parce qu’ils sont pédagogues, l’estime qu’ils ont pour nous est perceptible. C’est presque physiologique. Cela vaut toutes les félicitations du monde. Et il y a d’autres personnes, une fois qu’on les quitte, on n’a ni une bonne image de soi, ni du projet qui nous enthousiasmait et qui n’est plus qu’une petite mèche maigrichonne qu’on est prêt à abandonner. Ces personnes là nous sont nocives, et cependant on hésite à les qualifier de « toxiques pour nous ».
Face aux personnes qui nous sont toxiques
Les personnes qui nous sont toxiques ne sont pas évidentes à repérer. En effet, Une personne n’est ni toxique par nature, ni de manière continue mais elle l’est poncturellement. C’est pourquoi, beaucoup de personne hésitent à les qualifier de « toxiques ».
Deux Personnalités-PCM ont encore plus de mal que les autres à qualifier une telle personne. La Personnalité Empathique s’imagine mal qu’une personne lui soit toxique. Et comme la toxicité n’est pas un comportement continu, elle va rejeter le fait qu’une personne lui soit toxique. Elle va subir les âffres de la toxicité jusqu’à la lie. Elle ne se rendra à l’évidence que trop tard à l’occasion d’un acte négatif indiscutable, comme par exemple une trahison.
La Personnalité Énergiseur (Rebelle) hésitera à 2 fois à qualifier une personne de « toxique pour elle » car elle s’interdit tout jugement. Ceux qui jugent l’insupportent. Bien sûr, plus qu’une fois à son tour elle va balancer (blâme) « untel est nul » mais c’est sans conséquence, elle va vite passer à autre chose.
Si au contact d’un interlocuteur vous avez la sensation de ne pas être quelqu’un de si bien que ça ou que ce que vous projetiez est nul, même si cela n’arrive que de temps en temps, qualifiez cet interlocuteur de « toxique pour vous ». N’hésitez pas et prenez les 2 ou 3 mesures qui s’imposent : 1/ prenez vos distances ou fuyez la 2/ si vous ne pouvez pas fuir ne partagez plus ni vos projets ni vos réflexions. Protégez-vous.
La Personnalité Promoteur
Le cas de la Personnalité Promoteur peut nous apprendre un stratagème utile. Elle ne se justifie pas afin de se sentir forte et donc aucunement dans la dépendance, y compris même vis-à-vis de son chef. C’est sa manière de prendre soin d’elle. Pour préserver le lien relationnel, elle aura intérêt à mettre en place le stratagème suivant : demander à son interlocuteur s’il veut en savoir plus. Elle génère ainsi une éventuelle demande de justification. Si c’est « non » elle en reste là. Si oui, elle saura doser une justification minimale pour préserver son besoin de se sentir fort.
Comment s’y prendre ?
Au vu de ces 2 billets, commencez par ne pas hésiter à considérer quelqu’un de « toxique pour vous ». adoptez les 2 options : la fuir ou ne plus confier vos projets. La personne n’en saura rien. Elle n’aura simplement plus d’angle d’attaque pour vous mettre mal.
Ensuite, gérer les justifications n’est pas une mince affaire. Je préconise de s’y prendre en deux temps. Dans un 1er temps, contentez-vous de répérer chaque fois que vous vous justifiez. Ce n’est ni bien, ni mal. Le but c’est d’apprendre à les repérer. Ne vous découragez pas. Relisez vos écrits pour repérer plus facilement vos justifications. Tenez un journal pour noter vos progrès. C’est encourageant.
Dans un 2ème temps, quand vous vous sentez d’attaque, demandez à votre interlocuteur s’il veut en savoir plus. Cela n’arrivera que de temps en temps mais considérez ces réussites comme des prouesses et notez-les dans votre journal.
Il ne faut pas s’interdire de se justifier. C’est un acte d’humanité, tout l’art consiste à ne délivrer que le nécessaire pour se protéger tout en ouvrant un peu de sa vulnérabilité et ainsi préserver le meilleur relationnel qui soit.
Christian Becquereau
Révisé par Sylvie Nélaton